En lien avec les caractéristiques de l’enfant et de ses proches

Vulnérabilité et résilience
Il n’est pas rare de constater que des enfants ayant vécu des expériences stressantes très similaires réagissent de façon différente. C’est dans l’optique de mieux comprendre la complexité des réponses individuelles aux évènements que la matrice de la résilience (figure 1) a été développée. Cette matrice offre un cadre de référence permettant d’identifier un éventail de facteurs positifs et négatifs qui interagissent entre eux pour former les besoins uniques de chaque enfant. Elle comprend deux dimensions : (1) une dimension intrinsèque, la résilience et la vulnérabilité, et (2) une dimension extrinsèque, les facteurs de protection et l’adversité (Daniel, Wassell, & Gilligan, 2010).

Pour ce qui est des facteurs intrinsèques, la vulnérabilité réfère à la prédisposition ou la susceptibilité de certaines personnes pour des maladies spécifiques ou un développement mal adapté en présence d’expériences négatives (McCartney & Philips, 2006). La résilience, quant à elle, se définit comme l’adaptation positive manifestée en présence d’expériences négatives, le processus de protection découlant sur des résultats positifs pour les individus à risque en raison de facteurs sociaux (ex.: pauvreté) ou psychologiques (ex.: dépression maternelle) négatifs (Daniel et al., 2010; Gilligan, 1997; Levine et al., 1999; McCartney & Philips, 2006). Trois composantes fondamentales influencent significativement le niveau de résilience d’un enfant : 1) le sentiment d’une base sécure, 2) l’estime de soi et 3) le sentiment d’efficacité personnelle de l’enfant (Gilligan, 1997).

En ce qui concerne la dimension extrinsèque, les facteurs de protection agissent comme un tampon face aux effets négatifs des mauvaises expériences vécues par l’enfant, alors que les conditions adverses correspondent aux évènements et aux circonstances de vie vécus qui peuvent menacer et compromettre le développement de l’enfant (Daniel et al., 2010).

Figure 1. La matrice de la résilience, tiré et adapté de Dalzell & Sawyer (2011) et Daniel et al. (2010). Les éléments oranges relèvent de la dimension intrinsèque, alors que les éléments bleus de la dimension extrinsèque.

Selon la matrice, un enfant résilient dans un environnement facilitant (prépondérance de facteurs de protection) représente la situation optimale pour favoriser son développement. À l’inverse, un enfant vulnérable évoluant dans un environnement caractérisé par de multiples conditions adverses présente des risques élevés de voir son développement compromis et menacé.

Tempérament
Observable dès les premiers jours de vie, le tempérament influence les réactions de l’enfant aux nouvelles situations et est à la base de la personnalité (des caractéristiques individuelles au niveau du comportement qui persistent). Relativement stable en fonction du temps, le tempérament est malgré tout influencé par les interactions gène-environnement. Ce faisant, le tempérament varie d’une personne à l’autre, et ces variations individuelles sont impliquées dans plusieurs aspects cruciaux du développement de l’enfant (Levine et al., 1999; McCartney & Philips, 2006).

Neuf caractéristiques permettent de décrire le tempérament (Chess & Thomas, 1996; Levine et al., 1999) :

1. Niveau d’activité : la composante motrice du fonctionnement de l’enfant et de la proportion diurne des périodes actives et inactives (mobilité lors du bain, des repas, du jeu, de l’habillage, du cycle de sommeil).

2. Rythmicité (régularité) : la prédictibilité ou l’imprédictibilité dans le temps de toute fonction (peut être analysé en relation avec le cycle de sommeil, la faim, les patrons d’alimentation, l’horaire d’élimination).

3. Approche ou retrait : la nature de la réponse initiale dans l’expression de l’humeur et l’activité motrice de l’enfant à un nouveau stimulus comme de nouveaux aliments, jouets ou personnes; les réponses d’approche (sourire, déglutir un nouvel aliment) sont positives alors que les réponses de retrait (pleurer, repousser un nouveau jouet)  sont négatives.

4. Adaptabilité : les réponses aux situations nouvelles ou modifiées; elles ne concernent pas les réponses initiales, mais plutôt l’aisance avec laquelle celles-ci sont modifiées dans une direction désirée.

5. Seuil de réceptivité : le niveau d’intensité de stimulation nécessaire pour évoquer une réponse perceptible (exprimée dans les réactions aux stimuli sensoriels, les objets environnants et les contacts sociaux), sans tenir compte de la nature spécifique de la réponse ou de la modalité sensorielle affectée.

6. Intensité des réactions : le niveau d’énergie de la réponse, sans tenir compte de sa qualité ou de sa direction.

7. Qualité de l’humeur : la quantité de comportements plaisants, joyeux et amicaux en contraste avec les comportements déplaisants, de pleurs et peu amicaux.

8. Distractibilité : l’efficacité des stimuli superflus environnants à interférer ou altérer la direction du comportement en cours.

9. Durée et persistance de l’attention : la durée pendant laquelle une activité particulière est poursuivie par l’enfant ainsi que la continuité de l’activité en présence d’obstacles.

En outre, les différentes caractéristiques peuvent se regrouper en trois types de tempérament (Case-Smith & O’Brien, 2010; Levine et al., 1999) : 1) facile, 2) lent à démarrer ou 3) difficile (tableau I). Ces catégories peuvent être imaginées comme un spectrum. Certains enfants pourront ainsi présenter des caractéristiques attribuées à plusieurs types de tempérament. En effet, des combinaisons variables et différentes des traits de tempérament peuvent être observées; le degré de manifestation de ces traits peut être grandement variable d’un individu à un autre.

Tableau I
Les traits caractéristiques en fonction des types de tempérament de l’enfant
(Case-Smith & O’Brien, 2010; Levine & Munsch, 2011; Levine et al., 1999)

Types Facile Difficile Lent à démarrer
Traits
Niveau d’activité Faible à modéré Variable, mais élevéConsidéré difficile Faible à modéré
Rythmicité Très régulière Irrégulière Variable
Approche ou retrait Approche positive Retrait Se retire initialement
Adaptabilité S’adapte facilement S’adapte lentement S’adapte lentement
Seuil de réceptivité Modéré Extrême, élevé ou bas Modéré
Intensité des réactions Faible à modéré Intense Faible
Qualité de l’humeur Plaisante Déplaisante Variable, légèrement négative
Distractibilité Variable Variable Variable
Durée et persistance de l’attention Variable Extrême, élevée ou basse Variable

 Lien d’attachement
Chaque enfant naît avec un certain tempérament déterminant l’intensité avec laquelle il ressent et manifeste ses émotions. Au cours de son développement, il devra apprendre à gérer ses émotions, à les réguler en entrant en interaction avec les individus qui l’entourent. L’amour, une des émotions les plus importantes, est ce que l’enfant développe avec les personnes qui prennent soin de lui, habituellement ses parents. La nature de cet amour dans la relation parent-enfant est un lien émotionnel, appelé l’attachement, qui est considéré comme la pierre angulaire du bien-être des enfants et essentiel à un développement sain (Case-Smith & O’Brien, 2010; Levine & Munsch, 2011; Sullivan, Perry, Sloan, Kleinhaus, & Burtchen, 2011). Effectivement, alors que l’enfant se fait câliner, contemple le visage de sa mère et se fait réconforter, il ressent des émotions lui permettant de bâtir sa conscience de soi et une base sécure à partir de laquelle il peut explorer l’environnement. Par ailleurs, la qualité du lien d’attachement a un impact sur le développement cérébral par des modifications neurochimiques et des changements dans l’organisation neuronale et influence, à plus long terme, la capacité à former des relations. En parallèle, les effets hormonaux et neurochimiques induits par l’interaction avec l’enfant favorisent chez la mère des sentiments de bien-être, de protection et d’amour envers son bébé. De cette façon, les traits et les comportements du parent et de l’enfant interagissent de manière dynamique avec l’environnement (chaque partie s’influençant simultanément et mutuellement) afin de déterminer la qualité du lien d’attachement qui se bâtit. Ce processus est continuellement influencé en fonction des stades développementaux de l’enfant et des changements dans l’environnement, comme la naissance d’un autre enfant (Case-Smith & O’Brien, 2010; Sullivan et al., 2011).

Il existe quatre patrons d’attachement entre le parent et l’enfant (tableau II) : 1) sécure, 2) évitant, 3) résistant-ambivalent et 4) désorganisé-désorienté.

La nature « sécure » du lien d’attachement est étroitement liée à la sensibilité parentale, soit la capacité du parent à percevoir correctement les signaux de l’enfant et d’y réagir adéquatement, en temps opportun et de façon prévisible avec des comportements pertinents et appropriés en fonction de l’intensité des signaux de l’enfant (Levine & Munsch, 2011). Ainsi, un lien d’attachement sain est formé lorsque le parent et l’enfant sont interreliés de sorte que l’enfant est confiant que ses besoins seront comblés et qu’il est en sécurité (Case-Smith & O’Brien, 2010).

À l’inverse, le lien d’attachement peut être à risque si :

  • l’enfant présente des difficultés développementales (difficultés au niveau de la communication, troubles sensoriels, alimentation difficile, incapacité à établir des patrons activité/sommeil réguliers)
  • il y a présence de facteurs environnementaux non facilitants (parents ayant un horaire de travail très chargé limitant le temps avec leur enfant)
  • le parent présente des comportements teintés d’anxiété, d’irritabilité et de désengagement émotionnel et/ou a de la difficulté à répondre aux besoins de son enfant (Case-Smith & O’Brien, 2010)

Tableau II
 Les types d’attachement en fonction des comportements du parent et de l’enfant
 
Tiré et adapté de Case-Smith & O’Brien (2010) et Levine & Munsch (2011).

Type d’attachement

Comportements du parent

(sensibilité parentale)

Comportements de l’enfant

Sécure

  • Bonne sensibilité parentale : disponible émotionnellement, répond aux besoins de l’enfant de manière consistante, efficace et à l’intérieur d’un délai adéquat

 

  • Cherche à être à proximité du parent, mais explore l’environnement immédiat à mesure que la mobilité se développe
  • Démontre une bonne motivation et estime de soi
  • S’ennuie du parent lorsque séparé, mais est facilement réconforté à son retour

Évitant

  • Mauvaise sensibilité parentale : indisponible émotionnellement, ne répond typiquement pas adéquatement aux besoins exprimés par l’enfant
  • Évite le parent
  • Affect émoussé
  • Explore en présence ou non du parent, interagit avec les objets plutôt qu’avec le parent

Résistant-ambivalent

  • Sensibilité parentale inconsistante : incohérence quant à la disponibilité et la réponse aux besoins exprimés par l’enfant
  • La qualité et la quantité des soins sont déterminées par l’humeur du parent et sont imprévisibles (alternance de réponses adéquates et inadéquates)
  • Recherche ou évite le contact du parent
  • Reste près du parent, n’explore pas activement l’environnement
  • Est difficile à réconforter après avoir été séparé du parent
  • Humeur fâchée ou passive

Désorganisé-désorienté

  • Ne répond pas adéquatement ou efficacement aux besoins exprimés par l’enfant
  • Est très anxieux ou menaçant envers l’enfant
  • Peut être abusif ou psychotique
  • Est désorganisé ou désorienté lors des interactions avec le parent
  • Explore de façon désorganisée
  • Manifeste des comportements d’approche et d’évitement y compris « fixer et s’immobiliser », être collant ou encore se recroqueviller sur le sol

Concepts en lien avec les caractéristiques de l’environnement, des sources et stratégies de stimulation