Défi approprié (« just right challenge »)
De manière générale, l’engagement actif d’un enfant dans une activité prend place quand cette dernière se trouve juste au bon niveau de complexité, c’est-à-dire quand l’enfant se sent confortable et en sécurité, mais rencontre à la fois un certain défi nécessitant un effort.
Selon Case-Smith & O’Brien (2010), une activité représentant un défi approprié (ou « just right challenge ») répond aux éléments suivants :
1. Est cohérente avec le niveau développemental (habiletés et aux intérêts) actuel de l’enfant;
2. Fournit un défi raisonnable par rapport au niveau développemental actuel, les exigences de performance se situant légèrement au-dessus de ce que l’enfant peut effectuer facilement et spontanément;
3. Engage et motive l’enfant;
4. Peut être maîtrisée si l’enfant fournit un effort quelconque et raisonnable.
Afin de favoriser un apprentissage chez l’enfant, l’activité doit représenter un défi raisonnable, suscitant à la fois la motivation et un certain niveau de stress, ce dernier encourageant une réponse de plus haut niveau chez l’enfant. En somme, en offrant des activités sollicitant des habiletés légèrement supérieures au niveau développement, l’enfant s’engage complètement. Dans une perspective thérapeutique, une activité présentant de telles caractéristiques revêt un potentiel thérapeutique élevé pour améliorer le niveau développemental de l’enfant (Case-Smith & O’Brien, 2010).
Expériences-flux
La théorie du flow (ou « expériences-flux »), élaborée par le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi, apporte une perspective complémentaire à la notion de just right challenge. Selon cette théorie, une activité où le niveau de défi se situe au-delà des compétences a pour effet d’augmenter le niveau d’éveil (sentiment d’anxiété), alors qu’une activité où le niveau de compétences se situe au-delà du niveau de défi a plutôt pour effet de diminuer le niveau d’éveil (sentiment d’ennui). Entre ces deux situations se situent l’activité considérée fournissant une « expérience-flux ». Cette dernière est caractérisée par un abandon dans l’activité auquel seront, entre autres, associés un haut degré de concentration, une perte du sentiment de conscience de soi, une distorsion de la perception du temps, une rétroaction directe et immédiate et une sensation de contrôle de soi et de l’environnement. Mais par-dessus tout, une expérience-flux se définit par l’équilibre entre le niveau de difficulté de l’activité (défi) et les compétences de l’individu (figure 2). Cette cohérence entre le niveau de défi et les compétences de l’individu (éviter les situations d’anxiété et d’ennui) permet un engagement total dans l’activité et favorise conséquemment le développement de nouvelles habiletés, l’état de flow plaçant l’enfant dans une situation optimale pour l’apprentissage et la rétention (Damon & Lerner, 2006).
Figure 2. Le modèle du flow de Csikszentmihalyi, adapté de Damon & Lerner (2006)
Zone proximale de développement
Une autre notion essentielle qui s’approche des précédentes est la zone proximale de développement (figure 3) proposée par Lev Semionovitch Vygotsky (1896-1934). Cette zone correspond à la distance entre le niveau développemental actuel de l’enfant (déterminé par les capacités de l’enfant à résoudre des problèmes seul) et le niveau développemental potentiel (déterminé à travers la résolution de problèmes par cet enfant avec l’aide d’un adulte ou en collaboration avec des pairs initiés) (Case-Smith & O’Brien, 2010; Levine & Munsch, 2011; Thies & Travers, 2009). En d’autres mots, elle représente ce que l’enfant peut accomplir et apprendre avec l’assistance d’une tierce personne et définit l’aire dans laquelle les adultes peuvent travailler à promouvoir son développement et son indépendance pour une habileté spécifique (Case-Smith & O’Brien, 2010).
Selon une telle perspective, l’adulte ou le pair initié doit soutenir l’apprentissage de l’enfant en lui fournissant l’aide suffisante mais non excessive afin qu’il dépasse légèrement son niveau développemental actuel. Ce processus d’accompagnement, de soutien et de guidance réfère au concept d’étayage ou de scaffolding (Levine & Munsch, 2011). Lorsque l’étayage est utilisé pour faciliter l’apprentissage d’un enfant, l’adulte diminue graduellement la quantité d’aide de manière à ce que l’enfant soit de plus en plus indépendant et internalise les apprentissages (Case-Smith & O’Brien, 2010).
Figure 3. La zone proximale de développement de Vygotsky
De concert avec les principes de la théorie des systèmes dynamiques, il apparaît donc incontournable d’adapter la tâche en thérapie pour qu’elle soit en cohérence avec le niveau d’autonomie de l’enfant (actuel et potentiel) et qu’un soutien adéquat au niveau environnemental (jouets, espace, étayage de l’adulte) soit fourni. Ainsi, la tâche correspondrait à un défi suffisant pour l’enfant et favoriserait de cette façon ses apprentissages et son développement.
Affordance
Elle réfère aux possibilités d’action qu’offre un objet, un environnement. En effet, l’environnement, y compris les objets (jouets, matériel, équipements, espace), offre à l’enfant des opportunités d’exploration, d’action et de découverte. Ainsi, l’action est basée autant sur ce que l’environnement offre en termes de stimulation, que sur les capacités perceptuelles de l’enfant à reconnaître ces opportunités environnementales (Case-Smith & O’Brien, 2010). En bref, l’affordance correspond au rapport entre la disponibilité de l’environnement et la potentialité de l’enfant à saisir les opportunités de stimulation qui lui sont offertes. À titre d’exemple, l’opposition du pouce, les mouvements isolés des doigts, le transfert de main à main et la coordination oeil-main sont facilités par les caractéristiques physiques des jouets (Case-Smith & O’Brien, 2010).
Cohérence réciproque (« goodness of fit »)
Le concept de « goodness of fit » réfère à la cohérence entre, d’une part, les propriétés de l’environnement social et physique (ses exigences, ses demandes) et, d’autre part, les propres capacités, motivations et styles de comportement de l’individu (motivations, habiletés, tempérament, patrons de comportement et leurs conséquences). Cette concordance entre l’individu et l’environnement favorise un développement optimal (Case-Smith & O’Brien, 2010; Levine et al., 1999).
Quand il y a plutôt présence de divergences entre les opportunités de l’environnement ainsi que les capacités et caractéristiques de l’individu, cette discordance résulte en un stress excessif pour l’enfant et, conséquemment, un risque très élevé de compromettre son développement. On parle alors du concept de « poorness of fit » (Case-Smith & O’Brien, 2010; Levine et al., 1999).
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